Ni l’un ni l’autre
va-et-vient dans l’ombre, de l’ombre intérieure à l’ombre extérieure
du soi impénétrable au non-soi impénétrable en passant par ni l’un ni l’autre
comme entre deux refuges éclairés dont les portes sitôt qu’on approche se ferment doucement, sitôt qu’on se détourne s’entrouvrent doucement encore
revenir et repartir appelé et repoussé
sans percevoir le lieu de passage, obnubilé par cette lueur ou par l’autre
seul bruit les pas que nul n’entend
jusqu’à s’arrêter pour de bon enfin, pour de bon absent de soi et d’autre
alors nul bruit
alors doucement lumière sans déclin sur ce ni l’un ni l’autre non perçu
cette demeure indicible
— Samuel Beckett, texte de neither, opéra en un acte pour soprano et orchestre, musique de Morton Feldman, 1977.Traduction d’Edith Fournier parue sous le titre « ni l’un ni l’autre » dans Pour finir encore et autres foirades © Les Éditions de Minuit, 1976-2004.